samedi 15 novembre 2025

De l’errance à nos chemins du bout du monde

Fin du premier chapitre

Plus d'un mois de travail pour aller au bout du premier chapitre dédié à la recherche du bout du monde... d'autres chapitres suivront, c'est sûr! Nous n'en sommes qu'au début!

Le séjour à Allos a été une bonne source d'inspiration pour le travail photographique mais pas seulement, la dune du Pilat y trouve sa place, le pont de Quézac mais aussi les randos autour du bories de Saumane. 

Voici comment nous avons procédé:

  • sélectionner des clichés ... ceux qui nous parlent le plus, 
  • tirer les photos, les cyanotypes (pour lesquels le soleil est quelque fois farceur), et les Van-Dick
  • choisir le type de support qui correspond à notre projet (facilement transportable, manipulable et au stockage facile) ...  ce sera des livres accordéons!
  • réaliser le montage de ceux-ci (fait main évidemment); 

Une fois tout cela terminé, nos 10 livres sont quasiment identiques et lorsqu'on en cherche un on les ouvre tous 😏 donc on décide de mettre un titre sur chacun puis d'écrire une quatrième de couverture et voici 10 mini livres au format accordéon symbole du 1er chapitre "de l'errance à nos chemins du bout du monde".

Je tiens à préciser que: nous avons réalisé toutes les prises de vues de ce projet, (la plupart des photos couleurs par moi-même à partir d'un téléphone portable (dont j'exploite maintenant le maximum des options), les photos en noir et blanc sont toutes réalisées par Jean-Marc avec un boitier argentique 24x36, les tirages des photos, cyanotypes et Van-dick  sont "fait-main", le montage des livres également. 

Les textes des 10 mini livres sont de Jean-Marc et je les ai écrit au stylo sur chaque livre . Les voici ci-après:

Comment photographier l’errance ?

Un sujet qui continuait de résonner en moi après la lecture de l’essai éponyme de Raymond Depardon.

Une route qui traverse un pont et qui semble disparaître, une silhouette à peine visible qui s’efface elle-même dans l’amorce du virage. Je trouve ici un beau commencement pour représenter l’errance, il y a toujours un début et il faut parfois accepter de se perdre je ne dis pas, disparaitre, mais plutôt s’effacer un moment dans l’ instant photographique.

L’errance est ni un projet de voyage ni une destination attendue mais une continuité, une quête, une disponibilité à l’émerveillement face au spectacle que nous offre la nature, nos chemins d’errance deviennent nos chemins du bout du monde.

Et ce projet nous allons le mener à deux, pour croiser nos regards, nos sensibilités en faisant le pari que si nous jouons ensemble cette partie, nos photographies diront quelque chose de nos bouts du monde. Croisements, complicités, des correspondances dans un dialogue à deux.

Tout le monde a un bout du monde dans la tête, un petit îlot en suspension bien caché dans les replis de sa cervelle mais qui pourtant vous appelle, des lieux proches ou lointains, ils nous racontent une histoire, réveillent nos émotions.

Là où la terre a tremblé, disparaît par l’effet de l’érosion, laissant des squelettes de pierre, des architectures de couches sédimentaires, des chaos granitiques.

Et des constructions bâties par la main de l’homme qui semblent surgir de l’imaginaire mais bien réelles pourtant, elles se confondent ici avec la pierre, presque lavées par la lumière et le grain photographique.

Ces chemins du bout du monde, je les associe à la marche et à la création photographique. Sans que je ne sache vraiment l’expliquer, je ressens un lien physique, expérimental, entre le contact avec la terre, les sols argileux et ferreux, souvenirs de mes explorations de jeunesse, passionné alors de minéralogie et de spéléologie et les chimies photographiques des premiers procédés photographiques du dix-neuvième siècle, sels de fer, sels de platine et d’argent.

Le projet artistique naît petit à petit en explorant plusieurs procédés d’effacement. D’abord en faisant disparaître le personnage au bout du chemin, il poursuit une quête que le spectateur ne peut percevoir qu’à travers son imagination, pure liberté de l’errance poétique.

Puis par l’effacement du sujet avec la recherche de photographies plus graphiques, presque abstraites en laissant place au minéral, à la roche brute, au chaos des pierres.

Tout se mêle faisant apparaitre le grain photographique dans l’image.

Environnement propice à la réflexion pour celui qui prend le temps d’observer. Ici de grandes failles, blessures sédimentaires, plus ou moins hautes, profondes et secrètes. Les mains parfois à la peine, explorent, s’agrippent à la paroi recouverte de mousses et de fougères exubérantes, un voyage dans des temps anciens et notre esprit semble étrangement s’apaiser, la profondeur des fissures disparaît, moins inquiétante.

Angélique me l'avait promis : « je t'emmènerai faire un 3000, il faut savoir en profiter tant qu'on peut le faire, je voudrais tellement te faire partager ce que j'aime ».

Une ascension qui a donc pour moi une signification particulière, main dans la main. Des chemins creusés dans les grès déchirés qui dessinent des lignes de fuite vers des précipices impressionnants, des traces sinueuses au bord des corniches et un sommet qui paraît inaccessible.

Alors oui, c'est fait et quel 3000, le Mont Pelat ! les paysages magnifiques du haut Verdon dans le parc naturel du Mercantour.

Marcher, monter, descendre, remonter, redescendre, marcher encore ! Le chemin nous conduira-t-il au sommet ou nous engloutira-t-il dans les saignées des sources du verdon ?

Marcher encore et s’arrêter, émerveillés, bouche ouverte devant la beauté de la nature.

Et si ce lieu recelait une magie ?

Un lieu où l’on ne se pose plus la question, qu’est-ce que je fais ici ?

Accepter d’être là, c’est peut-être cela le sens du lieu acceptable, là où on sait sans avoir besoin de l’expliquer qu’on fait partie du monde, l’endroit où on est en vie.

Et si mon bout du monde avait finalement la forme d’un dôme ? Le toit du monde en quelque sorte, une ligne qui s’élève vers le ciel et laisse libre cours au rêve. Des lieux différents, plusieurs années écoulées entre ces deux prises de vue et le même regard, une ligne de fuite vers l’infini.

Une envie d’immensité, quelque chose qui nous dépasse, nos regards se croisent sur les grès déchirés du Mont Pelat.

Dernier instant avant la tempête qui s’annonce. Traversée dans ce chaos, nous sommes si petits face à la puissance qui se dégage et nous domine. Nous ne résistons pas malgré le fracas de l’orage, revenir sur nos pas et prendre une dernière photo !

Une dureté apaisée par la douceur des cyanotypes, couleur bleu délavé comme pour éloigner le tumulte et dompter le danger !

To be continued... A suivre et à très bientôt.

Angie et Jean-Marc